Petite sirène copenhague

Les sirènes sont les démons de la Mer de la mythologie grecque. C'étaient des genres d'oiseaux à tête de femme qui attiraient les voyageurs par leur chant merveilleux, ou leur musique ; ils s'échouaient alors sur des écueils et elles les dévoraient. On dit qu'elles vivaient dans les îles proches de la Sicile. Plus tard, on a représenté les Sirènes avec une queue de poisson. Ulysse dans son voyage, fait boucher les oreilles de ses marins et se fait attacher au mât afin de pouvoir entendre le chant des sirènes tout en y résistant. Orphée ose rivaliser avec elles. A la fin, dépitées, elles se jettent à la mer et disparaissent pour toujours. C'est sûrement suite à cet "incident" qu'on a représenté les sirènes comme des femmes à queue de poisson.

Hara

 

On les retrouve aussi dans la mythologie nordique. Je cite : "les Havfrues, que l'on nomme ailleurs sirènes. Elles ont un torse de femme et une queue de poisson. Il en est de bonnes et de perfides, mais toutes sont très belles. Au plus clair de l'été, quand une légère brume de chaleur tremble sur l'horizon marin, on peut parfois découvrir une Havfrue assise à la surface des eaux. Elle lisse sa longue chevelure avec un peigne en or. Quand les pêcheurs allument des feux sur le rivage, les sirènes sont souvent nombreuses à venir s'y réchauffer, car on les dit frileuses. Elles cherchent à entraîner les hommes qu'elles ont séduits dans leurs repaires sous-marins. Il faut résister au désir de les suivre et refuser l'amour qu'elles promettent. A qui sait déchiffrer les signes, elles n'annoncent que filets déchirés, poissons pourris, tempêtes horribles et naufrages funestes. Des disparus en mer, il est dit qu'ils ont été emportés dans les demeures des Havfrues."

Hara

Sirène d'Amboine ; extrait de l'Histoire naturelle d'Amboine, par François Valentijn (1726)

 


Oannès divinité sumerienne puis babylonienne

Oannès : l’aspect masculin

Oannès est un être de sexe masculin, un animal devenu divinité qui émergeait de la mer d'Erythrée pour enseigner aux simples mortels les grandes valeurs spirituelles. Un être symbolisant pour les hommes de cette époque les mystères de la guérison et de la fertilité, ainsi que le pouvoir merveilleux du soleil dispensateur de toute vie.

Ce personnage apparaît dans l'un des rares fragments parvenus jusqu'à nous de l'Histoire de Chaldée, ouvrage de Bérose, prêtre et astronome babylonien qui vivait au IIIe siècle avant J.-C.

Tiré de « Sirènes et mastodontes » de Richard Carrington 1957(compte rendu par Le_Mire):

 

"Le corps entier de l'animal, écrit-il, était celui d'un poisson; cependant, il avait sous sa tête de poisson une seconde tête, humaine celle-là, et, joints à la queue, des pieds également humains. Doué de raison, il avait une voix d'homme, et il s'exprimait dans notre langue. Il introduisait ceux qui l'écoutaient dans la connaissance des arts, des lettres, de la science; bref; dans tout ce qui peut contribuer à adoucir les mœurs et à conduire le genre humain à une vraies civilisation."


Oannès

 


Oannès

Cet individu éminemment sympathique portait le nom d'Oannès, le dieu-poisson de Babylone. Chaque matin, il émergeait de la mer pour. retourner dans les flots au coucher du soleil. Sur les premières images connues, Oannès apparaît comme un homme portant une tête de poisson en guise de casquette. La peau du poisson est drapée sur ses épaules à la façon d'une cape, la nageoire caudale descendant jusqu'aux jarrets et parfais jusqu'aux chevilles.

 

Atergatis : l’aspect féminin

Déesse de la lune, Atergatis fut dotée d’une queue de poisson parce qu’elle représentait le pendant féminin d’Oannès. Tout comme lui, elle émergeait de l’océan pour y retourner au terme de son long voyage à travers le ciel nocturne. Elle devait donc également avoir une nature amphibie, moitié humaine, moitié poisson, avec cette différence qu'étant femme elle devait être à la fois moins vigoureuse et plus mystérieuse qu'Oannès. Ce fut sans doute ainsi que naquit la première déesse à corps de poisson. Bientôt ses vertus prirent de l'ampleur et se mirent à pro­liférer, comme s'amplifient et prolifèrent les légendes et même les simples rumeurs. Peu à peu, elle allait accaparer, sous ses divers travestis, les nombreux traits que les hommes prêtent toujours aux femmes - beauté, vanité, orgueil, cruauté, charme - et bien entendu une tendance inavouée à l'amour impossible. Si bien qu'Atergatis et ses différente « doubles » que l'on rencontre dans d'autres mythologies forment une ascendance fort acceptable pour les sirènes des époques ultérieures.

Atergatis, d'après une pièce de monnaie phénicienne

 

Aphrodite traînée par les Tritons, d'après une pièce corinthienne

Le prestige dont jouissaient les grandes divinités à corps de poisson dans la majeure partie du monde antique - prestige qui n'allait disparaître qu'avec l'avènement de l'ère chrétienne - donna naissance à plusieurs êtres moins surnaturels, d'un aspect plus ou moins similaire. Ainsi, Aphrodite sortant des flots, considérée par certains auteurs comme, une variante d'Atergatis, avait à son service deux ou plusieurs demi-dieux dont le corps humain se terminait par une queue de poisson. Ces tritons, adorateurs attitrés et chevaliers servants d'Aphrodite, avaient des pouvoirs limités dans le domaine maritime; ils pouvaient notamment apaiser la fureur des vagues et imposer leur volonté à la tempête. D’autres divinités mineures, de sexe féminin, étaient pourvues, à l'origine, de vastes ailes d'oiseaux. Ces créatures que redouta Ulysse ont certainement joué un rôle important dans la formation du mythe des sirènes ; elles furent les premières «beautés fatales » à attirer dans le piège mortel de leur charme, tantôt par leur chant, si enivrant que les malheureux se précipitaient dans la mer, tantôt. en les rendant fous, si bien qu’ils jetaient leur navire sur les récifs. Par suite, cette terrible fascination fut transférée aux sirènes à corps de poisson.

 

Le Moine marin de Norvège et le Bonze Marin de Chine

Le moine marin de Norvège était une créature relativement petite et inoffensive, gênante plutôt qu'hostile; bien qu'il eût le pouvoir déchaîner les tempêtes. On en trouve une description, et même un dessin, dans un ouvrage publié en 1554 par un certain Guilielmus: Rondeletius, sous le titre Libri de Pis­cibus Marinis (Poissons de Mer). L'auteur explique que l'animal devait son nom à son capuchon de moine et à sa tonsure, il avait des nageoires en guise, de bras, un visage humain (bien que les traits en fussent assez grossiers), et la partie inférieure du corps soudée en forme de queue.

L'ouvrage parle également d'un être « similaire, mais bien plus étonnant « . Par ses mœurs comme par son attitude pleine de dignité, cet individu se plaçait, dans la hiérarchie ecclésiastique, nettement plus haut que le moine marin, si bien qu’on lui attribua le titre d'évêque. Le re­présentant le plus célèbre de l'espèce fut sans doute l'exemplaire capturé en 1531 dans la mer Baltique et amené aussitôt devant le roi de Pologne. Il parait que l'évêque marin, loin de se montrer sensible à cet honneur, abrégea l'audience en faisant comprendre son désir de regagner la mer. Le roi, bien que fort intéressé par l’auguste personnage, voulut accéder à sa prière et le fit immédiatement reconduire à la côte où, toujours d'après le chroniqueur, l'évêque se hâta de disparaître sous les flots, comme pour manifester sa satisfaction d’échapper à la vanité prétentieuse de la cour.

Moine et évêque marins; extrait du Libri de Picibus Marinis par Guilielmus Rondeletius (1554)

 

Quant au bonze marin des légendes chinoises; il devait être bien plus impressionnant que son pendant occidental. Connu sous le nom de Haï Ho Shang, ou « prêtre bouddhiste de la mer », il était la terreur des pêcheurs sur les côtes méridionales de Chine. C'est que, non content de pouvoir déchaîner à son gré le vent et la tempête, il attaquait parfois les jonques et les faisait chavirer. Lorsgu'il révélait ses intentions malveillantes à l'égard d'un bâtiment; le meilleur moyen pour le tenir à distance était une danse rituelle. A bord de chaque jonque naviguant dans ces parages, il y avait au moins un matelot qui avait appris spécialement les pas capables d'éloigner le bonze marin. L'homme s’exécutait à la proue du bateau, agi­tant un bâton orné de rubans rouges, au son rythmé d'un ­gong ; L'équipage pouvait, également se protéger en brûlant des plumes, car le Haï Ho Shang avait horreur de cette odeur et prenait le large plutôt que de l'affronter.

Parfois, les pêcheurs avaient la chance de trouver dans leurs filets toute une couvée de jeunes bonzes marins. Leur capture donnait régulièrement lieu à une scène émouvante : les bébés bonzes. tombaient à genoux et levaient les nageoires pour supplier les pécheur de les épargner. Prière vaine, car aucun homme sensé ne pouvait leur laisser la vie sauve : les flots abritaient trop de bonzes adultes ; remettre en liberté une nouvelle génération de ces monstres eût été une folie.

 

La Sirène Médiévale

Les marins gardent toujours l’idée d’une déesse de la mer. Elle survit sous des vocables aussi divers que néréide, mermaid, charybde ou grande naufrageuse, gwrac’h ou dahud, fée ou sorcière des houles, morgane, mari-morgane ou encore mari vorgan qui attirait, séduisait et entraînait les hommes au fond de leur royaume sous-marin.

Ève au Musée Rolin d'Autin : XIIème siècle

 

Dans l’ornementation de l'art roman et gothique, la sirène signale la présence de forces telluriques, le plus souvent l’existence d’un courant aquatique souterrain.

Dans la littérature cléricale, la sirène médiévale renvoie à l’image d’une tentation voluptueuse à laquelle il convient de résister. Comme illustration, voici ce qu'écrit, vers 1210, Guillaume le Clerc dans son Bestiaire Divin.

<— la petite sirène du chapiteau de l'église Chauvigny (Poitou) obtenue sur le site : www.art-roman.net/chauvigny2.htm

 

« … La sirène, qui chante d'une voix si belle qu'elle ensorcelle les hommes par son chant, enseigne à ceux qui doivent navi­guer à travers ce monde qu'il leur est nécessaire de s'amender. Nous autres, qui traversons ce monde, sommes trompés par une musique comparable, par la gloire, par les plaisirs du monde, qui nous conduisent à la mort. Une fois que nous sommes habitués au plaisir, à la luxure, au bien-être du corps, à la gloutonnerie et à l'ivresse, à la jouissance des biens du monde et à la richesse, à la fréquentation des dames et aux chevaux bien nourris, à la magnificence des étoffes somp­tueuses, nous sommes sans cesse attirés de ce côté, il nous tarde d'y parvenir, nous nous attardons dans ces lieux si long­temps que, malgré nous, nous nous y endormons; alors, la sirène nous tue, c'est-à-dire le Diable, qui nous a conduit en ces lieux, et qui nous fait plonger si profond dans les vices qu'il nous enferme entièrement dans ses filets. Alors, il nous assaille; alors, il s'élance sur nous et il nous tue, nous trans­perce le cœur, tout comme agissent les sirènes avec les marins qui parcourent les mers. Mais il existe plus d'un marin qui sait prendre garde à elles et reste aux aguets : tandis qu'il fait voile à travers la mer, il se bouche les oreilles, afin de ne pas entendre le chant trompeur. C'est ainsi que doit faire le sage qui passe à travers le monde : il doit demeurer chaste et pur, et se boucher les oreilles, afin de ne pas entendre prononcer des paroles qui puissent le conduire au péché. Et c'est ainsi que bien des hommes parviennent à se protéger : ils empêchent leurs yeux et leurs oreilles d'entendre et de contempler les plaisirs et les choses mauvaises par lesquels bien des hommes se laissent tromper. »

chapiteau roman

 

Mélusine au bain sur le vitrail à Saint-Sulpice de Fougères

la Mélusine médiévale

La Fée Mélusine a le don de transformation. Elle apparaît comme une « Dame » des fontaines et des eaux. C’est sous cette forme tenant du serpent et de la sirène que, violant l’interdit, son époux Raimondin la découvre au bain. C’est métamorphosée en serpente qu’elle s’évade du manoir conjugal. Et c’est sous forme d'oiseau qu'elle revient pousser des cris d'effroi chaque fois qu'un malheur menace les Lusignan. Bref, elle concilie les divers éléments : les Eaux en tant que Sirène ou Ondine ; la Terre comme Serpent; l'Air en tant qu'Oiseau.

Elle est d'abord Dame des eaux, des rivières, des lacs, de la plage et des bains. Déjà aux temps antédiluviens, sous la lune son astre, elle pêchait des pois­sons argentés, une de ses formes secrètes. Nageuse incomparable et ondine d'argent, elle reste une fée proche des fontaines, où, comme Mélisande, elle perd son anneau.

Elle est aussi Génie de la Terre, des bois, au cœur desquels vient s'ins­crire sa demeure, sentant bon les sous-bois, les fourrés où les serpents vont dépouiller leur peau ; où, une fois coupés, serpentent aussi les racines des arbres qui survivent et fissurent les murs. De ce vieux génie de la terre : le Serpent, elle a la peau, écailleuse. Sa reptation en a la rapidité. Elle rampe et s'enroule autour de son amant, l'étouf­fant de ses spires, jusqu'au moment des noces où perçant sa nature secrète, l'homme, le vieil ennemi «tueur de fées», la contraindra au cri, à la fuite, à la disparition.

Elle est encore Génie de l'Air, génie lunaire, accordant à l'époux et ses cuisses de lune et ses fesses de lune, fraternelle à cet astre des nuits qui dis­pense les fantasmes et les songes, et sous l'auréole duquel elle fuit à jamais sous une forme ailée.

Enfin, elle est Fée bâtisseuse, traçant des plans, guidant des arti­sans, élevant sa demeure sur le contour du sol qu'interdisent des cordeaux ; ou encore, sur le sable des plages, édifiant des tours, des douves, des portes et des ponts. Fée autour de qui s'écroulera plus tard la demeure bâtie, ainsi que toute la cité qui s'abîmera au vide de ses grottes.

voir aussi le conte

 

Il existe une certaine affinité entre Mélusine et la Vouivre, car les deux sortent des entrailles de la terre comme les dragons. De même, il est facile de trouver des similitudes entre Mélusine avec la Fée Morgane et la Dame du Lac du cycle des Romans des Chevaliers de la Table Ronde.

<– chapiteau de la Porche du For : la femme étant une sirène à queue de poisson, extrait de Forez - Velay roman, Édition du Zodiaque

 

Certains historiens estiment qu'Alienor d'Aquitaine est à la base de la popularité de la Légende de Mélusine. Gervais de Tilbury signale cette légende dès 1150 et Bersuire dès 1250. Elle est parachevée sous oeuvre littéraire par Jean d’Arras en 1393, puis fut célébrée à nouveau en 1401 dans les vers de Coudrette. C’est l’époque du démantèlement des royaumes des Lusignan en Orient, et du grand danger d'éclatement pour le royaume de France. Devant la déchéance annoncée dans la légende, le travail de l'inconscient, le travail du rêve collectif en oeuvre dans le mythe se retournent sur le passé pour l'expliquer.

La petite sirène Symbole de Copenhague

 

ill : crisse : sirène

La sirène accompagne la découverte des océans au XVIIe siècle

Récit de l'explorateur Henry Hudson dans son livre publié à Londres en 1625

Dans un style, concis de compte rendu, Hudson relate un incident survenu au large de la Nouvelle-Zemble, lors d'une de ses célèbres tentatives de forcer le passage nord-ouest :

« Ce soir-là (le 15 juin), un homme d'équipage, regardant par-dessus bord, vit une sirène. Il appela aussitôt un camarade qui vint le rejoindre. Entre-temps, la sirène s'était approchée du bateau, sans cesser de regarder gravement les deux hommes. Au bout de quelques minutes, une lame la retourna. La partie supérieure du corps, à partir du nombril, était faite comme un buste de femme, aussi bien pour le dos qu'en ce qui concerne la poitrine; sa taille était celle d'un être humain adulte, sa peau très blanche, et une longue chevelure noire lui pendait dans la nuque. Comme elle plongeait, les marins virent nettement sa queue, semblable par la forme à celle d'un dauphin, mais tachetée comme un maquereau. Les noms des deux hommes étaient Thomas Hilles et Robert Reyner. »

Rapport extrait d'une description de la colonie de Terre-Neuve, due à la plume de Sir Richard Whitbourne un capitaine au long cours établi à Exmouth, dans le Devon.

Whitbourne, après avoir fait plusieurs traversées, publia en 1620 une "découverte de Terre-Neuve" destinée à vanter les attraits de l'île et à y attirer de nouveaux

 

Et vogue la mystérieuse sirène au XVIIIe siècle

Le XVIIle siècle, si fier de son positivisme et de son bon sens, s’est passionné tout autant pour les sirènes.

L'un des principaux champions de leur cause était un Hollandais du nom de François Valentijn, un aumônier colonial qui, dans son Histoire naturelle d'Amboine, publiée en 1726, relate plusieurs apparitions de sirènes dans les eaux des Indes orientales.

La section du chapitre sur les poissons d'Amboine est consacrée à une description détaillée des "Zee-Menschen et Zee-Wyven (Hommes et Femmes de la Mer), une planche où figurent plusieurs spécimens de la femme maritime d'Amboine donne l'image d'un exemplaire particulièrement séduisant. En réalité, cette illustration reproduit simplement un dessin colorié dû à un certain Samuel Fallours, peintre officiel de la Compagnie des Indes Hollandaises, et qui parut en 1718, dans le cadre d'un ouvrage intitulé Poissons, écrevisses et crabes des Iles Moluques. D'après la légende accompagnant le dessin, Fallours a dû rencontrer une espèce de sirène assez différente de celle répandue dans les eaux nordiques. Il la décrit en ces termes :

"Un monstre ressemblant à une sirène, capturé sur la côte de Bornéo, dans 1e district administratif d'Amboine. Elle mesurait 59 pouces (1,48 m) et avait à peu près la forme d'une anguille. Transportée à terre, elle vécut quatre jours et sept heures dans un tonneau rempli d'eau. De temps en temps, elle émettait de petits cris, comme une souris. Bien qu'on lui présentât de petits poissons, des crabes et des écrevisses, elle refusa toute nourriture. Après sa mort, on trouva au fond du tonneau quelques excréments semblables à des crottes de chat".

Sirène illustrée du Bestiaire Ashmole (XIIIème siècle)

 

La sirène, Edvard Munch (1863 -1944)

La renommée de cette sirène orientale se répandit rapidement dans les sphères les plus sélectes. Le dessin original fut offert à George III d'Angleterre, qui se déclara très touché par cette délicate attention. Sa Majesté Impériale Pierre le Grand, tsar de toutes les Russies, alla encore plus loin dans son enthousiasme. Ayant vu une copie de l'illustration dans l'atelier de Louis Renard, éditeur à Amsterdam, il exprima le désir qu'une lettre demandant des détails plus précis fût expédiée à Valentijn. Malheureusement, l'aumônier ne fut pas en mesure d'ajouter grand chose à ses premières indications; en revanche, l'intérêt manifesté par le tsar l'amena à rapporter une autre rencontre tout aussi passionnante :

« J’ai appris d'une source digne de confiance qu'en 1652 on 1653, un lieutenant au service de la Compagnie a pu observer deux de ces bêtes dans, le golfe près du village Hennetelo, faisant partie du district d'Amboine. Elles nageaient côte à côte, ce qui lui fit supposer que l'un était le mâle, l'autre la femelle. Six semaines plus tard, elles réapparurent au même endroit et, ce jour-là, furent aperçues par plus de cinquante personnes. Ces monstres, d'une couleur, gris-vert, avaient une forme tout à fait humaine de la tête jusqu'à la taille, et possédaient deux bras et deux mains ; la partie arrière du corps allait en s'amincissant.

Valentijn lui-même était incontestablement persuadé de l'authenticité de cette observation, comme de toutes les autres qu'il avait consignées dans son ouvrage. « S'il existe un récit digne de crédit, écrit-il, c'est bien celui-ci, étant donné que de nombreux témoins oculaires peuvent le confirmer, et que leur attestation concerne non pas une mais deux sirènes. Peut-être le grand public, obtus par définition, hésitera-t-il encore à admettre la véracité des faits; de toute façon, cela n'aurait aucune espèce d'importance. Il y a bien des gens capables de nier l'existence de villes comme Rome ou Constantinople pour la seule raison mêmes n'ont pas eu l'occasion de les voir. »

 

Cette dernière phrase semble indiquer, cependant, que le scepticisme général allait en croissant. Vers 1750, les naturalistes les plus réputés commencèrent à exprimer ouvertement leurs doutes; de toute évidence, ils acceptaient de moins en moins le fatras d'histoires abracadabrantes qui s’était accumulé autour du mythe original. Ainsi, pour Erik Pontoppidan, évêque de Bergen et auteur d'une célèbre Histoire naturelle de Norvège, la majeure partie des « observations » rapportées plus haut relève de la plus délirante fantaisie: Afin d'en souligner davantage le caractère grotesque, il cite deux apparitions particulièrement saugrenues : celle d’un homme-poisson qui, parlant couramment le danois, se serait entretenu avec un groupe de sénateurs de Copenhague, et celle d'une sirène qui aurait prédit la naissance du futur roi Christian IV.

Le pécheur et la sirène par le peintre symboliste Lord Leighton (1830 - 1896)

 

une contrefaçon réputée

La Sirène japonaise de Lee : extrait de l'Explication des Fables maritimes (Curiosité de foire du XIXème siècle qui appartenait à Henri Lee, directeur de l'Aquarium de Brighton)

 

« Lorsque de pareilles fadaises se mêlent à la science, grondent-il, que l'on nous présente une espèce dont les mâles tiennent de l'orateur et du prophète, les femelles de la, nymphe et de la cantatrice, il ne faut pas s'étonner de l'incrédulité des personnes douées de sens critique. »

Pourtant, même Pontoppidan, bien que certainement pourvu d'une bonne dose de sens critique, ne peut se ré­soudre à rejeter définitivement la sirène parmi les êtres imaginaires; après avoir formulé les réserves les plus expresses, il s'efforce en effet à réhabiliter la sirène en consacrant huit pages grand format à la « description véridique » de l'espèce.

Les récits de sirènes, rapportés tantôt par des témoins oculaires, tantôt par des personnes ayant parlé à de tels témoins, rempliraient un nombre respectable de volumes.

Ulysse et les sirènes par Herbert James Draper (1864 - 1920)

 

La sirène par Waterhouse (1901)

Le XIXe siècle … et le romantisme de la sirène

Times - 8 septembre 1809

Lettre insérée modestement entre le Mouvement maritime et les Mercuriales de la Bourse de Commerce.

Elle portait la signature d'un certain William Munri, instituteur à Thurso (Ecosse), et était intitulée : "Une sirène aperçue sur la plage de Caithness."

 

« Cher Monsieur, il y a environ douze ans, alors que je dirigeais l'école paroissiale de Ray, je, me promenais par une chaude journée d'été sur la grève de Sandside Bay. Comme je me dirigeais vers le promontoire, mon attention fut attirée par une apparition insolite. Sur un rocher- s'avançant dans la mer était assise une créature ressemblant à une femme dévêtue; elle paraissait occupée à peigner ses longs cheveux châtain clair qui lui tombaient sur les épaules. Elle avait le front arrondi, le visage lourd, les, joues rougeaudes, les yeux bleus; en revanche, les lèvres, par leur dessin, rappelaient plutôt celles d'un homme. Comme elle gardait la bouche fermée, je ne pus distinguer ses dents. Les seins et le ventre, les bras et les mains évoquaient, par leur forme et leurs dimensions, un corps de femme adulte. Les doigts, à en juger d'après leurs mouvements, ne devaient pas être palmés; toutefois, j'étais trop loin pour m'en rendre compte avec certitude. Je pus l'observer pendant trois ou quatre minutes; elle continuait à peigner sa longue et épaisse chevelure dont elle semblait très fière. Puis, brusquement, elle se laissa glisser du rocher et disparut dans l'eau, pour ne plus remonter.

Si mon récit peut contribuer à établir la réalité d'un phénomène que les naturalistes ont jusqu'à présent persisté à considérer comme imaginaire, ou à ébranler le scepticisme de ceux qui nient par principe tout ce qui dépasse leur entendement, je m'estimerai largement récompensé. En vous remerciant d'avance de bien vouloir m'ouvrir les colonnes de votre journal, je vous prie d'agréer, cher Monsieur, etc. "William Munro"

Ulysse et les sirènes par Picasso (1947)

 

ill: hajime : sirène

Le XXème siècle redécouvre la Femme sous les traits d’une sorte de Sirène-Mélusine

Les Surréalistes, par exemple, se sont intéressés à la fée des ondes. Voici un texte Benjamin Péret.

« Par les midis torrides, tu me verras surgir - non, prudence ! - tu me devineras dans les profondeurs de la source, à moins que je ne risque un oeil sous le radeau d'une feuille de nénuphar vêtant une eau léthar­gique. Je suis de tous les pays. Ici, j'ai un teint de nuit africaine et l'on m'honore, de l'autre côté de l'océan, un rameau de fleurs à la main. Là, au fond des rivières inconnues, je chante autant pour séduire le voyageur nocturne qui m'aperçoit dans les taches que la lune dessine sur l'eau sombre. Malheur à toi, si tu oses contempler mon visage lumineux ! Ébloui, te voilà nageant dans mon sillage, la main tendue vers mon immense chevelure couleur d'avenir et je t'entraîne. Je suis partout où l'eau peut me dissimuler. Je suis la vie de l'eau, je suis Mélusine, souveraine incontestée et mère de l'eau, sa cause et son effet, son cri et son silence feutré; là je prends forme, je deviens femme éternellement.» Divinité aquatique, porteuse d'avenir, comme celle d'Arcane 17 d’André Breton, la Mélu­sine de Péret, telle l'Amour dans la fable antique, ne peut être vue.

 

Témoignages

« Bonjour,
suite à vos articles sur les Sirènes, gnomes, etc, je voudrais vous informer-si vous ne le savez pas -que à l'ile Maurice(Océan Indien),par exemple,on trouve des traces de Rituels Tantriques ,sur le bord de s plages;On fait des évocations aux Sirènes qui viennent "travailler " ou charger un travail de magie, la nuit. Des vieilles personnes dignes de foi qui sont dans le système de magie noire ou blanche, m'ont confirmé que l'on fait appel de temps en tempss aux sirènes et qu'elles apparaissent effectivement. Personnellement, je pense que d'après les témoignages que j'ai recueillis, cela existe vraiment. Il n'y a que ceux qui sont initiés à la magie qui peuvent admettre cela, dont moi. La sirène n'est pas une vue de l'esprit, ou une légende!

« À Madagascar, les Ondines emmènent les fêtards dans les lacs, et ils ne réapparaissent plus jamais.Cele arrive de temps en temps.Des gens intelligents(Professeurs, Ingénieurs) m'ont confirmécet état de fait. De mêmme, il est fréquent de trouver des Gnômes,que l'on nomme Dadibé ou Kalanour,dans les forêts.Beaucoup de Malgaches travaillent en Magie avec ces Djinns. Ils apparaissent et vous parlent et guérissent des gens.

Salutations. »

Jason Anin

Les sirènes existent-elles vraiment?

Cette question nous est souvent posée, sur le forum de Pandore, vous pouvez suivre cette discussion ici : Les sirènes et les créatures légendaires existent-elles?

 

Bibliographie

  • Sirènes et mastodontes, Richard Carrington, 1957
  • Mélusine moderne et contemporaine, Bibliothèque Mélusine, l'Age d'Or éditeur
  • Bestiaire du Moyen Age, Gabriel Bianciotto, Moyen Age, Stock éditeur